
"Le trouble borderline peut être imaginé comme une tulipe dans un champs de roses..."
Qu'est ce que la personnalité ?
La personnalité est ce qui définit un individu dans son fonctionnement cognitif comportemental et émotionnel de façon stable (Guelfi, 2002).
C'est un ensemble organisé qui est le résultat de l’interaction des individus avec leur environnement.
La personnalité devient pathologique lorsqu'elle se rigidifie, a des conséquences comportementales inadaptées et une souffrance pour le sujet et son environnement.
Selon le DSM V 4 sphères sont impactées dans un trouble de la personnalité :
- la cognition,
- l'affectivité,
- le fonctionnement interpersonnel
- le contrôle de l'impulsivité.
Il est nécessaire que le trouble soit rigide, stable, prolongé et envahissant dans plusieurs domaines de la vie de l'individu, pour que ce soit diagnostiqué comme un trouble de la personnalité.
Pour poser un diagnostic il est nécessaire de faire appel à un psychiatre.
Le trouble de personnalité borderline
Ce trouble peut se définir selon une triade :
- l'instabilité (dans les relations interpersonnelles, les émotions et les l'image de soi),
- l'impulsivité (humeur instable, émotions violentes, crise permanente, comportements à risques),
- les émotions intenses (la colère qui alterne avec le vide et l'ennui). C'est un complexe de défenses, déficits et vulnérabilités.
Facteurs neurobiologiques
D'un point de vue neurobiologique, selon Siever et Davis (1991) :
- la dysrégulation émotionnelle serait due à un système noradrénergique trop actif.
- Le déficit de contrôle comportemental serait dû à un déficit sérotoninergique (le trouble borderline, partagerait ainsi des points communs
avec les troubles dépressifs et anxieux).
- O’Leary et Cowdry (1994) in Bockian (2002) postulent que les patients borderline aurait un déficit de la mémoire, ce qui contribue aux difficultés à maintenir un sens de soi et à utiliser le passé pour répondre aux événements présents et prévoir les conséquences futures (répétition d'erreurs)». Le déficit serait au niveau de la mémoire à la fois visuelle et verbale.
- D'un point de vue anatomique, l'amygdale aurait un excès de substance grise et serait mal régulée par le cortex cingulaire antérieur. Cela a pour conséquence une suractivation de l'amygdale. Ainsi, les stimuli seraient perçus comme plus menaçants.
En situation vécue comme menaçante, les patients borderline auront tendance à se dissocier de la réalité . Cela implique le système parasympathique du système
nerveux autonome. Face à une menace, sa fonction est de freiner le système sympathique ; en cas de stress aigu, il ne se déclenche plus, ce qui induit la dissociation pour échapper à la scène traumatique. La dissociation permet d'éviter les stimuli menaçants et d'échapper à la réalité vécue.
Facteurs de vulnérabilité dans l'enfance
Il est établi depuis longtemps que les risques de développer un trouble borderline sont augmentés par le fait de vivre ou être témoin de violences physiques et sexuelles (Oldham et al,1996). Des études ont montré qu'entre 30 et 90% des patients BPD déclarent des antécédents de violence sexuelle, physique et psychologique, contre 17 à 45 % dans les groupes de contrôle (Ball & Links, 2009).
Aussi, d'après Vinet, Rahioui, & Louppe (2018) , les dysfonctionnements directement liés à l'attachement dans les relations précoces, ne sont pas assez investigués pour les personnalités borderline au détriment des traumas plus facilement identifiables comme abus et maltraitance . La négligence est à prendre en compte.
Une étude de 2015 de MacIntosh & al, étudie les mécanismes par lesquels les traumatismes de l'enfance sont liés au développement du trouble borderline à l'âge adulte, et a examiné comment des facteurs tels que la régulation et la dissociation pourraient être des médiateurs dans la relation entre les traumatismes de l'enfance et le trouble borderline. Van Dijke et al. (2011) ont avancé que le trouble borderline est une des issues les plus importantes à un trauma complexe dans l'enfance dont
la variable médiatrice serait la mauvaise régulation des émotions.
Les modèles explicatifs
Le modèle des schémas précoces inadaptés de Young (1990,1999)
Le modèle des schémas précoces inadaptés de Young (1990,1999) décrit les schémas comme des souvenirs, des émotions, des sensations et des pensées. Ils puisent leur origine dans les besoins affectifs fondamentaux non comblés (sécurité, attachement, autonomie, liberté, limites, expression,...). Ils agissent comme des filtres cognitifs pour interpréter le monde. Dans l'enfance ils étaient adaptatifs, puis sont devenus dysfonctionnels en se rigidifiant. Pour Young les schémas influencent les interactions interpersonnelles et guident les comportements, ils seraient également au cœur des troubles de la personnalité
Le modèle de Marsha Linean
Le modèle bio psycho-social de Linehan (1993), explique la construction du trouble borderline comme la combinaison d'une vulnérabilité émotionnelle biologique et un environnement invalidant qui valorise le contrôle des émotions, un jugement émotionnel négatif et une invalidation de la détresse. Cette combinaison mènerait à une dysrégulation émotionnelle (sensibilité accrue aux stimuli, intensité émotionnelle plus élevée que la moyenne, retour à l'état de base plus lent) et une
identité instable. Cette combinaison aurait pour conséquence des stratégies inadaptées de régulation émotionnelle avec des comportements dommageables (impulsivité, relations chaotiques, suicides, auto-mutilation).
Le modèle de Beck & Freeman (1990)
La personnalité borderline serait un trouble relié à 3 patterns stables et durables :
- les croyances de base dysfonctionnelles,
- une pensée dichotomique
- un faible sens de l'identité.
Les trois croyances de base qui reviennent régulièrement dans ce type de personnalité :
-"je suis impuissant et vulnérable",
-"je suis intrinsèquement inacceptable",
-"le monde est malveillant et dangereux".
Le faible sens de l'identité amènerait les patients borderline à avoir un faible sentiment d'auto-efficacité face à l'adversité.
La thérapie TCC pour le trouble borderline
EMOTIONS
- Mise en place d’un socle pour la gestion des crises
- Apprentissage de l’auto observation de ses émotions : les reconnaître, savoir évaluer leur intensité, leur fonction.
- Tenir un journal de bord des émotions (augmente la conscience des declencheurs)
- Apprentissage de la pleine conscience
- Apprentissage de la relaxation profonde
- Développer plus de tolérance aux émotions négatives et à la frustration
- Apprendre la compétence résolution de probleme
- Developpement de compétences pour introduire des activités plaisantes, avoir une vision de soi plus claire (mes envies, mes aspirations, mes attentes,…) et ainsi sortir du sentiment chronique de vide.
NB : Avec le psychologue, les techniques de réassurance et de soutien peuvent être utilisées à petites doses. Si elles sont trop utilisées, elles retardent les nouveaux apprentissages d’auto-régulation
COMPORTEMENTS / RELATIONS
- Travail sur l'aversion au délai afin d'abaisser le seuil d'impulsivité
- Apprendre à prendre soin de soi dans le quotidien (travail sur l'identité)
- Exposition progressive aux situations évitées pour retrouver de la liberté
- Affirmation de soi / communication non violente
- Jeux de rôles / modeling pour apprendre à construire des liens sécures
COGNITIF
- Identification des schémas
- Restructuration des pensées automatiques qui génèrent de la souffrance quand les schemas précoces s’activent (travail sur les distortions cognitives).
PSYCHO-EDUCATION DES PROCHES
Le trouble borderline est impacté par les liens d'attachement dysfonctionnels. Ainsi, il est préconisé que les proches se renseignent sur le trouble afin d'augmenter leur capacité à aider. Ils peuvent également se rapprocher de l'UNAFAM afin de recevoir de l'information et du soutien.
Quelques pistes pour agir de façon plus efficace avec son proche souffrant du trouble borderline :
- Ne pas minimiser les émotions / les valider
- Ne pas réagir a l’impulsivité, garder son calme
- Ne pas forcer le dialogue si la personne n'a pas envie pour éviter explosion
- Etre clair dans ses limites et ses demandes
- Demander de l’aide accepter de se faire aider
Bibliographie :
Ball, J. S., & Links, P. S. (2009). Borderline personality disorder and childhood trauma: Evidence for a causal relationship. Current Psychiatry Reports, 11(1), 63–68
Beck, A. T., & Freeman, A. M. (1990). Cognitive therapy of personality disorders. Guilford Press.
Guelfi J-D. (2002). La personnalité : théories et modèles généraux. Dans Féline, Guelfi & Hardy (dir.). Les troubles de la personnalité, op. cit.
Linehan, M. M. (1993). Diagnosis and treatment of mental disorders.Cognitive-behavioral treatment of borderline personality disorder. Guilford Press.
MacIntosh, H. B., Godbout, N., & Dubash, N. (2015). Borderline personality disorder: Disorder of trauma or personality, a review of the empirical literature. Canadian
canadienne, 56(2), 227–241.
Oldham, J. M., Skodol, A. E., Gallaher, P. E., & Kroll, M. E. (1996). Relationship of symptoms to histories of abuse and neglect: A pilot study. Psychiatric and
American borderline Quarterly, 67(4), 287 295.
Siever, L. J., & Davis, K. L. (1991). A psychobiological perspective on the personality disorders. The American Journal of Psychiatry, 148(12), 1647–1658.
Vinet, C., Rahioui, H., & Louppe, F. (2018). Lecture des troubles de personnalité limite à travers la théorie de l’attachement. Annales Médico-Psychologiques, Revue
Psychiatrique, 176(5), 456–461.
Young, J.E. (1990,1999). Cognitive therapy for personality disorders: A schema-focused approach
(revised edition).